Episode 2. Rencontre du 3e type
Tout d’abord, je tiens à vous éclairer, il ne s’agit pas d’une rencontre masculine (quoique: les insectes ont-ils un sexe?).
Ceci
étant dit, voici comment s’est déroulé la rencontre: j’entrai dans la
cuisine, allumai la lumière et il était là, au milieu, fier comme
Artaban. Ne voulant pas jouer l’impolie, je demandai à mon collocataire
Fred de faire les présentations. M’en remettant aux coutumes locales
pour mieux m’adapter au pays, je cédai donc à sa requête: lui donner
une chaussure.... mais je dois confesser que c’est à contrecœur que je
lui donnai ma belle Adidas rouge achetée moitié prix durant les soldes
d’hiver (j’en souris de contentement rien que d’y penser). Bien que cet
avatar de la mondialisation américanisée ne mérite finalement pas
d’autre usage (idéologiquement parlant). Respectant les rites
guatémaltèques, il (Fred) tapa donc un grand coup sur le sol. Et notre
invité, faisant lui aussi honneur aux habitudes de la contrée, eut
l’obligeance de se laisser broyer sans un bruit, et grâce à la cordiale
collaboration dudit Fred, alla finir sa courte vie dans la poubelle,
pour couler des jours heureux au paradis des bêtes à six pattes. Le
cafard est mort, vive le cafard! Le lendemain, un de ses parents (sans
doute son frère ou un sien lointain cousin) vint nous rendre une visite
de courtoisie. J’eus de nouveau l’honneur de faire sa découverte, mais
désirant une nouvelle fois ne pas précipiter les choses, et respecter
les usages, j’appelai Frederic qui fit les présentations. Il eut
l’obligeance d’utiliser sa propre chaussure, et notre ami alla
rejoindre son compagnon dans le sac poubelle, au grand dam de la SPA.
Mais
le 3e type n’est peut-être pas le plus étrange. En effet, le
guatémaltèque est un être particulier qui mérite une étude attentive,
mais que je ne détaillerai cependant pas trop, pour épargner vos
faibles yeux déjà abîmés par des heures de lecture de mail et autres
jeux éducatifs. Le guatémaltèque est la preuve vivante que le réalisme
magique existe, tout comme les survivances de la pensée soviétique.
Ainsi, l’organisation de l’école Village School est draconiennement
réglementée: pour demander des photocopies, il faut d’abord faire
signer un papier par untel, puis faire figurer le nombre de pages à
photocopier, etc. Pour être prof ici, il faut avoir un sens de la
planification quasi inné: avant même de connaître vos élèves, vous
faire une idée de leur rythme de travail, de leur niveau exact, vous
devez planifier 1 mois de cours, dans le détail, en remplissant un
formulaire détaillé élaboré suivant la “méthode Village”, différentes
étapes pédagogiquement parlantes. Paradoxalement, au milieu de ces
cadres rigides fourmille ce qu’on pourrait qualifier de bordel,
foutoir, boxon, capharnaüm complet: les cours ont commencé jeudi, et il
manque un professeur pour donner 18h de cours par semaine aux groupes
de nuls. Il a finalement montré le bout de son nez pour dire qu’il ne
commencera que le 1er septembre, et ne donnera pas tous les cours qui
normalement devaient lui être assignés. Avis aux amateurs: 1h30 à 2h30
de cours à donner chaque jour, de 13h40 à 15h00, pour un peu plus de
1000 quetzales par mois, soit 100 euros. Soit un peu moins du quart de
mon salaire (ici on vit très bien avec 4000 quetzals).
Mais le
plus surréaliste est peut-être finalement ceci: l’invention des
concours du plus grand nombre d’anglais dans une cabine téléphonique,
ou le record d’empilage de Tchèques dans une deux chevaux n’est ni
grand-breton, ni slave. Nous devons cette trouvaille, à mon humble
avis, aux guatémaltèques. En effet, ils s’obstinent à faire rentrer
dans une camioneta, vieux school bus américain repeint de couleurs
vives et chromé, dont les freins crissent et le moteur rugit (mais ce
n’est pas forcément dû à un démarrage en trombe...) 100 personnes, là
où sont prévues à peine 40 places. A vos risques et périls bien sûr,
j’ai moi-même failli perdre ma jambe droite ankylosée à force d’être
coincée entre les fesses d’une dame au popotin confortable et les
maigres cuisses de la dame de l’autre rangée de sièges. Car, ai-je
besoin de le préciser, je voyageai debout, les pieds au sol, maintenue
droite par la pression des différents passagers assis ou debout autour
de moi, et agrippée aux tubes métalliques parcourant le plafond pour on
ne sait quelle raison. Le moment le plus drôle (et c’est là sans doute
une marque de l’humour guatémaltèque) c’est quand le collègue du
chauffeur décide, au beau milieu du trajet et quand tout le monde est
bien coincé, de parcourir tout le bus de l’arrière jusqu’à l’avant,
pour faire payer les passagers.... Une expérience humaine et physique à
vivre absolument!
Je vous attend tous bien sûr pour faire un tour de
camioneta jusqu’à Antigua où je suis allée, ancienne capitale du pays
entourée de volcans....
Et comme un volcan s’éteint un être
s’éveille, je renouvelle mes invitations multiples aux intéressés
richissimes ou futurs chanceux du loto. Les conditions de l’hôtel
émilien sont les suivantes: inclure au moins un week-end complet durant
votre séjour pour une excursion avec moi car je bosse non stop du lundi
au vendredi. Vacances: seulement 12 jours à Noel et même chose à
Paques. Fin de l’année fin juin, avec escapades américaines prévues en
juillet.... Avis aux amateurs!!!!!!!
Allez, je m’en vais tuer quelques insectes, et me coucher à 22h (lever tôt oblige...)
Biz à tous
À très bientôt
Milie.
PS: désolée pour ce mail longuissime. Adressez-moi vos plaintes et complaintes si vous voulez plus court!
PS2: pas de cartes postales ici, et les rares qu’il y a arrivent paraît-il rarement à destination..... sorry!