Episode 1. Nourritures célestes
L’oiseau est posé sur la branche, je répète, l’oiseau est posé sur la branche, et le nid est douillet. Je répète: l’oiseau est posé sur la branche et le nid est douillet.
Pour les amateurs de romans d’espionnage et autres
films à énigmes, vous aurez compris que ça y est, j’y suis j’y reste,
je suis arrivée sans encombres majeures (encombre est-il un mot
masculin ou féminin?) jusqu’ici, Guatemala Ciudad.
Je précise
“majeures” car mon charme irrésistible ayant séduit les vigiles et
autres contrôleurs de la sécurité de ma compagnie aérienne américaine,
pour pouvoir m’admirer et me contempler plus longtemps, ceux-ci ont
prétexté une farfelue histoire de visa obligatoire que je n’avais pas.
Mais faisant jouer mes atouts, j’ai menti comme je sais si bien le
faire, et j’ai réussi à échapper aux griffes de ces contrôleurs
incontrôlables, non sans avoir senti couler dans mon dos une sueur
froide à l’idée que le grand départ n’allait peut-être pas se faire.
Mais
que nenni, je montai dans le gros navion vers d’autres aventures, non
moins rocambolesques. En effet, durant ces quelques 15 heures cumulées
de vol, mes pensées ont vagabondés, errés sur maints sujets, entre deux
observations béates de nuages par la fenêtre (appelée “hublot” par les
professionnels). Observations ô combien jouissives: c’est dans ces
moments-là que je comprends qu’on puisse croire en un Dieu. Voler
au-dessus d’une mer de nuages au-dessus du Golfe du Mexique, si bien
qu’on ne sait plus où est la mer, au-dessus ou en-dessous de ces nuages
qui forment un écran moutonneux, laiteux, cotonneux (et autres
adjectifs en –eux qui vous plairaient) et nous cachent l’océan... pour
le savoir, il suffit de regarder l’horizon, rose orangé, qui nous
indique que nous sommes du côté du ciel....
Mais revenons à nos
moutons: je disais donc que mes pensées vagabondaient: en effet, après
ce bref mais intense moment de poésie originale et novatrice, il faut
revenir aux bassesses de ce monde (notre politique, vous le savez: on
ne peut se permettre une blague pipi caca que si on alterne avec des
blagues plus sophistiquées: le passage nuageux jouera le rôle du
sophistiqué, et j’en viens au pipi caca). Vous est-il déjà arrivé de
faire pipi ou caca dans un avion, ou un train? En ce qui me concerne,
je fais pipi dans le TGV, et je suis toujours émerveillée par ce
liquide bleu et cette petite trappe qui s’ouvre pour laisser partir sur
une voie ferrée française mon offrande à la nature retrouvée.
En
avion, pour la première fois de ma vie, je suis passée à l’étape
suivante. Ce qui a éveillé mon intérêt, c’est le processus
d’évacuation: un bruit d’intestin malade suivi d’un “shlurp”, tel est
le son qui a retenti quand j’ai tiré la chasse d’eau.... sans eau.
Juste ce “shlurp”. J’en ai brillamment déduit, mais peut-être suis-je
dans l’erreur, que ce petit cadeau (soyons modeste) organique avait été
expulsé de l’avion, comme dans un train, non? (Arrêtez-moi si je me
trompe). Or, sachant que la Continental Airlines a passé son temps à
seriner sur ses écrans que nous étions à plus de 10 km d’altitude, que
nous volions à quelques 800 km/h, et que la température extérieure
oscillait entre -40 et -60 degrés celsius, tout ceci en traçant une
jolie carte de notre parcours, si le cadeau qui a soulagé mon ventre et
rempli la cuvette des toilettes a bel et bien été expulsé vers d’autres
sphères, on peut supposer que celui-ci a été immédiatement congelé par
ladite température extérieure.
Prenant en compte cet état de choses,
on peut supposer que ledit cadeau a continué sa chute vertigineuse....
sous forme de glaçon. Pour atterrir où, telle est l’inquiétude qui
occupe mon esprit. Serais-je coupable sans le savoir d’avoir tué un
pauvre canadien, mort sur le coup après la chute d’un gros glaçon de
provenance inconnue? Ou dans sa chute, la température remontant, le
glaçon a-t-il fondu, pour s’écraser comme une merde sur un trottoir de
Montréal? Ou le Canadien a-t-il été sauvé par l’intermédiaire d’une
mouette rieuse qui passait par là et a encaissé le choc à sa place?
De
plus, bien que vous ne vous en rendiez pas compte, il en va de même
pour le pipi puisque la température extrême fait qu’il se congèle lui
aussi. Les petites gouttes qu’on reçoit de temps en temps, croyant
qu’il va pleuvoir, sont-ce des pipis de passagers en route vers
l’Amérique, congelé lors de l’expulsion de l’avion, puis redécongelé
lors de leur chute???????
L’émotion m’étreint, et mon étron est
peut-être quelque part, voguant dans les airs, dans le réservoir à caca
d’un avion (et oui, peut-être qu’après tout ils ont un réservoir sous
la cuvette, qu’ils vident une fois arrivé).............
Ah, ce mail était décidément plein de poésie.............
Mais
ne vous en faites pas, cette avalanche subite de mails n’est que
temporaire, c’était juste pour vous dire que l’arrivée s’est bien
passée, les français que j’ai rencontré jusqu’à présent sont très
sympas, et je vais de ce pas aller dans la salle de bain pour faire
pipi, sur la pointe des pieds, car, d’après la rumeur, les cafards
habitent les lieux. Mais, ces grands timides (entre 5 et 10 cm de long)
ne m’ont pas encore fait l’honneur de leur présence, je vous
préviendrai quand les présentations auront été faites.....
Bises à tous!!!!!!!!!
Emilie.
PS: il va de soi, évidemment, que toute personne qui aurait envie d’un séjour aux frais de la princesse au Guatemala est la bienvenue. Je n’ai pas vu grand chose pour l’instant, mais apparemment d’après ce que disent mes actuels collocataires Frédéric et Gauthier, c’est superbe! Volcans, jungle, ruines mayas aztèques j’en passe et des meilleurs, plages, etc.... le paradis sur terre! Donc à bientôt peut-être...