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La Vie d'Emilie
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9 juin 2009

Episode 26. Le Village dans les nuages / Appelez-moi Pam

 
Le Village dans les nuages


Suivi de :

Appelez-moi Pam
Deux épisodes en un, pour faire oublier ce long silence !

Le Village dans les nuages
Le bus jaune, importé des Etats-Unis il y a quelques années, quand les usagers ne l’ont plus estimé assez bon pour satisfaire leurs popotins avides de confort, passe me prendre à 6h45, devant un entrepôt-magasin de vêtements tenus par des Coréens dont les ouvriers travaillent à la chaîne dans un village reculé pour un salaire de misère. Aussitôt montée, le bus redémarre, ce qui m’oblige à dandiner joliment mon propre popotin dans l’allée trop étroite pour lui. Me laissant tomber sur un siège en cuir décoloré, j’écoute alors les longues plaintes de Marta, professeur de français intermédiaire, qui, forte de 150 élèves et de 24 heures de cours hebdomadaires, m'explique ses problèmes (et elle a bien raison!!! elle a de quoi se plaindre par rapport à sa coordinatrice glandeuse!).
Tandis que le bus vole vers les hauteurs de la ville, à 25km du centre et à 100 km/h, je laisse mon esprit vagabonder en hochant la tête au bon moment, laissant échapper un « oui » ou un « hum hum » significatif en temps voulus, pour satisfaire les désirs d’épanchements de la jeune fille précédemment citée.
Après avoir laissé les élèves descendre en 1er, puisque l’enfant est roi, je me dirige vers l’entrée du collège, où les voitures, une à une, viennent décharger une marchandise qui pour la direction de l’établissement représente beaucoup : les élèves. Car-pool : deux ou trois coordinateurs ouvrent docilement les portes des enfants gâtés et les aident à décharger leurs affaires, tout en saluant d’un sourire Colgate la maman ou le papa qui ne daigne pas descendre accompagner ses rejetons.
La sonnerie retentit, et la journée commence : pendant que mes profs, Marta, Betsabé la frêle argentine, et Astrid qui n’adresse la parole qu’à moi depuis trois semaines (et Dieu seul sait pourquoi !) se dirigent vers leurs salles de classe, je me charge de vérifier qu’elles ont accompli leurs tâches. Rentrer les 17 notes bimensuelles sur le programme Gradequick. Les envoyer ensuite vers le site internet Edline, où les parents pourront les consulter ; et ceci pour 9 groupes différents, soit en tout 100 élèves chacune et 18 cours à préparer chaque semaine. Accomplissant ma propre tâche, je tente ensuite d’observer un de leurs cours, grâce aux miracles de la technologie : chaque salle de classe est équipée d’une caméra discrète, et d’un micro.... Big Brother is watching you... mais je suis une grande sœur bienveillante et protectrice ! Retournant vers la table dans un recoin du couloir, qui est sensé me servir de bureau, j’entends alors une réplique qui résume à elle seule le problème de ce Village noyé sous les nuages : la sous-directrice explique à la directrice que le problème avec l’élève X doit être résolu, car le Collège court le risque de perdre (je cite) « un client ».
Une réunion m’attend : le Village, où c’est toujours la fête (je laisse les fins mélomanes saisir la référence), vient de découvrir qu’apprendre l’histoire ce n’est pas seulement pouvoir dire « 1515 Marignan », où qu’apprendre l’anglais ce n’est pas uniquement cocher des croix dans des QCM. Et oui, l’histoire c’est aussi pouvoir analyser, résumer, synthétiser, expliquer, raisonner, argumenter, et l’anglais c’est pouvoir s’exprimer et comprendre. Ouaouh !!! Savoir et savoir faire !!! Quelle découverte !!! D’un air blasé j’écoute donc les gens débattre pendant 1h30 de choses qui en 30 minutes pourraient être résolues si, sous ces dehors d’organisation rigoureuse, à la limite du stalinisme, ne régnait pas un désordre infini...le vernis se craquèle pour qui est dans les coulisses, et la belle photo que je vous envoie cache un système vicié dans ses principes, où l’argent est le but suprême, au-delà de l’éducation...
Heureusement arrive l’heure de donner cours aux tout petits : innocents, pas encore tout à fait pourris par l’argent, curieux et sincères. J’espère que la vérité ne sort pas de la bouche des enfants, puisque j’ai tour à tour entendu les choses suivantes :
1) Carlos, 7 ans : « Tu es maigre ! ». Flattée, j’ai dit merci. « Le bébé est déjà sorti ? »
2) Marcela, 7 ans, cours sur le corps humain, tout en révisant les couleurs : « Et les dents sont.... ? » « blanches ! » (tous ensemble). Marcela : « non, miss, tu as les dents jaunes !!! » (sourire crispé en me cachant les dents).
3) Ricardo (Ricky), 6 ans : « tu sais ce que tu as sur le visage ? non ? plein de points noirs !!! »
4) Monther, 6 ans, pendant que je feuilletais son cahier : « pourquoi j’ai 90/100 et pas 100/100 ? » « parce que tu as fait une erreur, et que c’était 10 points par mot ». « De toutes façons ma maman dis que tu es bête ! »
5) Tour à tour José Eduardo, Marina, et bien d’autres : « Miss, je m’ennuie ! »

Heureusement, il y a des gens qui ne se préoccupent ni des points noirs, des dents jaunes, ou du ventre plus ou moins proéminent : mes prétendants.

queridos_alumnos_


Appelez-moi Pam
Alex, ou, comme dirait Thierry, est-ce que sucer c’est tromper ?
Tout d’abord, il y eût Alex : la trentaine bien tassée, le tein mat, la moustache année 40 et la coupe de cheveux correspondante, marié, 2 enfants. Depuis un an, les blagues vont bon train : Emilie, pourquoi tu n’as pas de petit copain ? Emilie, pourquoi tu n’utilises pas ce corps ? mais non, c’est pas grave si je suis marié, entre nous ce ne serait pas de l’amour, seulement du sexe ! etc. Jörg (mon collègue d’allemand) et moi nous sommes fait les abdos en rigolant comme des otaries aux blagues récurrentes. Mais il se trouve que l’autre jour, le sieur Alex m’a demandé pourquoi je ne prenais jamais au sérieux ce qu’il disait... et j’ai élégamment (mais l’élégance n’est-elle pas ma principale caractéristique ? – question réthorique) évité l’écueil en disant que je n’étais pas intéressée, il faut être plus grand que moi pour pouvoir sortir avec moi ! (ce qui laisserait bien des guatémaltèques sur la touche si c’était vrai...)

Wagner Ivan Chillín, également appelé « el aburrido » (l’ennuyeux)
Ami d’un ami, il est entré en contact avec moi par mail et messenger. Conversations banales, du type «bonjour ça va ? qu’est-ce que tu fais ? (question traditionnelle sur le messenger, bien qu’il soit évident que ce qu’on fait, c’est être sur le messenger) quoi de neuf ? etc ». Bref, sans plus, mais pas moins. Cependant, lors de la rencontre (qui a toujours été amicale, surtout vu le physique du personnage), l’ennui s’installe vite et les anges passent lentement mais sûrement. Heuresement, l’heure du film arrive et sauve la soirée (dans ces moments là, Nicolas Cage en Indiana Jones au rabais fait l’affaire). Les conversations sur messenger prennent tout d’un coup un tour insolite : est-ce que les français font ceci, est-ce que les françaises font cela, bref, la réputation chaudasse est encore vivace. Mais ce type de questions est vite lassant, et les allusions salaces virent rapidement au mauvais goût.

Juan Pablo, « el gato (le chat) » (allez savoir pourquoi ses amis l’appellent comme ça)
Juan Pablo n’est pas moche : yeux vert, peau mat, cheveux courts, élancé. Mais s’il pouvait s’abstenir d’ouvrir la bouche, personne n’y perdrait : sa grande culture cinématographique a fait de lui un spécialiste des coutumes sexuelles françaises, et comme d’autres auparavant, il me questionne, dès les premières cinq minutes (il est à la maison car il est ami d’un ami de ma colloc) :
Est-il vrai que toutes les françaises ont un tube de vaseline sur leur table de nuit, afin de pouvoir emporter leur partenaire vers le 7e ciel grâce à leurs doigts de fée qui savent parfaitement jouer du for intérieur du jeune homme ?
Les françaises couchent-elles dès le 1er soir ?
Les françaises connaissent-elles toutes les positions et font-elles tout ce que le mec désire ?
Après 5 minutes de questions-réponses qui m’ont paru distrayantes, il m’a semblé que le 7e art avait fait bien des dégâts sur cette âme à l’origine si innocente, et l’heure et demie suivante sur le même sujet m’a vite parue lassante, voire dérangeante... le chat n’est pas revenu taquiner la souris, et heureusement pour lui !

Luis, le finaud
Luis est finaud : ami du même ami de ma colloc qui avait rapporté un chat à la maison, il n’a pas laissé entrevoir son jeu. Tchatche tranquille devant la télé pendant que la susdite colloc flirte avec l’autre ami. Un bout de pizza, une conversation sympa, il semblait au moins de pas penser avec les parties inférieures de son anatomie. En parlant de téléphone, de SMS et autres problèmes de communication, j’ai (malheureusement) laissé échapper mon numéro, pensant pouvoir ajouter quelqu’un à la courte liste de mes amis guatémaltèques. Bien mal m’en a pris : le 1er jour, 7 SMS (bonjour, bon appétit, bon après-midi, j’espère que tu passes une bonne journée, bon appétit, bonne nuit, fais de beaux rêves, etc), et les jours suivants, certes un peu moins, mais toujours aussi ambigus !

Boris Mauricio, l’amoureux transi
Boris Mauricio est nouveau au collège : doté d’un prénom plus qu’absurde et d’un physique pour le moins peu attachant, Mère Nature ne l’a pas gâté. Mais cela ne l’empêche pas de rêver à l’Europe et de fantasmer sur les peaux blanches (éléments qui n’ont été porté à ma connaissance que très récemment). Grâce à lui, la plupart de mes collègues m’appelle maintenant Pamela, ou Pam, en m’envoyant un clin d’oeil complice ou un sourire narquois. Voici pourquoi :
Il y a 15 jours, Boris Mauricio, avec qui j’entretenais jusque là une relation professionnellement cordiale (il est responsable des bus et de la cantine, donc si je veux manger et voyager rapidement je ménage ma monture.... façon de parler !!!), m’a demandé s’il pouvait me prendre en photo. Demande qui m’a semblé plus qu’originale, mais que j’ai gentiment décliné tout en riant doucement. Il a insisté. J’ai alors dit que, ne sachant pas l’usage qu’il allait en faire, je ne pensais pas accéder à sa requête (c’est beau ce que je dis !). Il a encore une fois insisté, en me faisant remarquer que je rougissais (en même temps il m’en faut peu pour rougir), et j’ai dit que non, puisqu’ensuite il pouvait très bien décider de découper ma tête pour la coller sur le corps de.... Pamela Anderson. « Sûrement pas, vous n’avez rien à envier à Pamela Anderson ». youpi. Ça me fait une belle jambe,..... et depuis, une super réputation, puisque les nouvelles vont vite (la scène ayant eu lieu dans la file d’attente pour les photocopies, et mes collègues ayant la langue plus que bien pendue). La secrétaire de la Direction est venue enquêter pour lui, savoir si j’accepterais d’aller boire un verre, mon collègue Jorg me dit qu’il faut profiter de la vie, une prof de 1ere année me dit qu’il n’est pas fait pour moi, Astrid me dit qu’il est un peu simplet, Betsabé me dit qu’il est moche, d’autres secrétaires viennent témoigner en sa faveur, la petite dame de la réception est venue témoigner d’une conversation dans laquelle il confessait être amoureux de moi.... bref, je suis en train de transformer le Village en Collège des cœurs brisés ! car il faut bien le dire, le benêt (qui ne m’adresse quasiment plus la parole et me regarde comme un chien triste devant une boucherie quand j’ai le dos tourné, selon mes collègues) ne m’intéresse pas le moins du monde !

Mais pour pallier à tout cela, je me suis fait coupé les cheveux mardi soir, et comme Samson, j’ai perdu ma force : fille cachée de Jackie Kennedy avec Melanie Griffith (version années 80), après être passée par une troublante ressemblance mère-fille, je suis maintenant l’équivalent d’un vieux balai, puisque la coiffeuse m’a menti : il ne suffit pas de mettre un peu de mousse coiffante pour recréer la magie Kennedyenne qu’elle avait elle-même fait naître !

Je vais continuer à faire des ravages dans un pays encore marqué par Stan, et je vous fais de grosses bises à tous

A bientôt

Emilie.

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